Authors: Rebecca Dahm (France, coordinatrice du projet), Katri Kuukka (Finlande), Selin Öndül Talegon (Suisse), Nermina Wikström (Suède)
Le projet « La/les langue(s) de scolarisation : une feuille de route pour les établissements scolaires » est soutenu par le Centre européen pour les langues vivantes (CELV, Conseil de l’Europe) et développé par une équipe de quatre experts. La Feuille de route s’adresse aux établissements primaires et secondaires qui souhaitent aider tous leurs élèves à mieux réussir. Cependant, l’accent est principalement mis sur les élèves qui dépendent de l’école pour développer la langue de scolarisation, c’est-à-dire la langue habituellement utilisée pour enseigner les différentes matières scolaires. L’absence ou l’accès limité à cette langue dans un contexte familial, pour quelque raison que ce soit (contexte socio-économique, enfants nouvellement arrivés, contexte familial de langue des signes, etc.) ne permet pas à ces élèves d’accéder à la connaissance de la même manière que les autres.
Au cours de l’année 2018, l’équipe du projet, en collaboration avec un grand nombre d’experts, a mis en place un outil d’auto-évaluation en ligne qui constitue la première étape de la Feuille de route. L’année 2019 verra la finalisation de la Feuille de route avec la mise en place d’une base de données des pratiques prometteuses, issues des projets du CELV et des pratiques des enseignants de différents pays européens. Les établissements utilisant la Feuille de route recevront ainsi un retour complet sur leurs points forts et les leviers de progrès, incluant des exemples de pratiques prometteuses afin de les guider davantage dans leur démarche vertueuse.
N.B. : Nous utilisons le terme d’« établissements scolaires » afin d’inclure à la fois les écoles primaires, les collèges et lycées dans notre réflexion.
Définitions essentielles
Les concepts-clés liés à la Feuille de route sont les suivants : langues/s de scolarisation, dimension linguistique, langue académique et élèves vulnérables.
Comme le pose le Conseil de l’Europe, « Par ‘langue de scolarisation’, on entend la langue utilisée pour l’enseignement des différentes matières et pour le fonctionnement des établissements scolaires. Le plus souvent il s’agira de la ou des langues officielles de l’État ou de la région, par exemple le polonais en Pologne ou l’italien en Italie, mais il peut s’agir aussi de langues régionales ou minoritaires reconnues officiellement, de langues étrangères ou de la migration. Selon les contextes nationaux ou régionaux, plusieurs langues de scolarisation sont utilisées », (Rec(2014)5, Comité des Ministres, Conseil de l’Europe, 2014). Beacco et al. (2016) soulignent également la nécessité pour TOUS les enseignants d’être conscients de la dimension linguistique de leur(s) matière(s). En effet, l’objectif de toute matière est d’aider les élèves à acquérir des connaissances, mais cela ne peut se faire sans les aider à en saisir le sens.
Le langage utilisé dans l’enseignement des matières scolaires est donc un instrument qui sert à la fois à conceptualiser le contenu et à s’exprimer dans un style rationnel et « académique » selon les conventions et registres spécifiques à chaque matière (Vollmer, 2006). Le concept de langue académique est utilisé pour désigner le type de langage nécessaire pour participer, comprendre et communiquer avec succès dans des activités cognitives exigeantes, adaptées à l’âge et au contexte (Himmele & Himmele, 2009).
Enfin, le concept d’élèves vulnérables est également au cœur de notre Feuille de route : comme le précise Fleming (2009), il renvoie à tous les élèves qui dépendent de l’école pour comprendre et apprendre le large éventail de codes culturels intégrés dans l’utilisation formelle de la langue.
Une feuille de route numérique pour les établissements scolaires
Nous nous sommes appuyés sur ces concepts pour mettre en place une « feuille de route », outil d’enquête numérique qui accompagne les établissements scolaires dans leur réflexion et dans la mise en œuvre d’un plan stratégique qu’ils ont eux-mêmes déterminé. Pour ce faire, tous les acteurs de l’établissement, c’est-à-dire le personnel de direction, les enseignants, le personnel non enseignant, les élèves et les parents, sont invités à compléter sur une base individuelle un outil d’auto-évaluation adapté à chaque acteur.
Lorsqu’il se connecte, chaque acteur peut déterminer son rôle, ce qui le conduira à une enquête spécifique, adaptée à son profil. La page d’accueil de l’enquête se présente comme suit :
Capture d’écran 1 : Entrée dans l’enquête pour chacune des acteurs
Chaque acteur est amené à réfléchir à neuf domaines thématiques divisés en un certain nombre de déclarations. Ces domaines invitent les répondants à évaluer la façon dont l’établissement prend en compte la dimension linguistique des matières, connaît et utilise les ressources disponibles et accueille les élèves et les familles dans leur diversité. Pour chaque phrase, l’acteur choisit de positionner l’établissement sur une échelle de 1 à 4 (ou de rouge à vert, avec la possibilité de neutraliser la question), comme on peut le voir ci-dessous.
Capture d’écran 2 : Réponse simulée à l’une des questions posées à un enseignant
Une fois l’enquête terminée, il est possible d’imprimer les résultats montrant ses propres réponses personnelles, ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble des idées relatives aux domaines thématiques identifiés ci-dessous (simulation des résultats).
Capture d’écran 3 : Simulation des résultats personnels d’un enseignant
Les établissements reçoivent ensuite un rapport basé sur les réponses des différents acteurs, soulignant les forces et les leviers de progrès pour l’ensemble de l’établissement. Les résultats de tous les acteurs sont positionnés sur chaque axe représentant un domaine thématique, permettant ainsi de visualiser rapidement les forces et les leviers de progrès de l’ensemble de l’établissement (voir capture d’écran 4 ci-dessous).
Capture d’écran 4 : Rétroaction au niveau de tout l’établissement
L’attention de l’établissement est attirée sur le(s) domaine(s) thématique(s) pour lequel(s) il existe un écart important entre les réponses des différents acteurs : même si le résultat global peut être positif, le fait que certains acteurs ne soient pas d’accord avec le reste des répondants mérite d’être discuté et utilisé comme point de départ pour le développement ultérieur de ces domaines.
Chaque domaine thématique peut également être analysé en profondeur afin de comprendre les positions des différents acteurs pris dans leur ensemble, l’anonymat des répondants au questionnaire étant absolument garanti (voir Capture d’écran 5 ci-dessous, qui est un retour détaillé lié au domaine thématique « Ressources linguistiques à l’école »).
Capture d’écran 5 : Retour d’information détaillé sur le domaine thématique « Ressources linguistiques à l’école »
Enfin, des pratiques prometteuses envisagées comme sources d’inspiration seront proposées pour favoriser le dialogue entre tous les acteurs, ce qui devrait faciliter la mise en œuvre d’actions qui répondent aux attentes de chacun.
Perspectives d’avenir
L’atelier tenu à Graz les 15 et 16 novembre 2018 a permis d’apporter d’autres modifications à l’outil, afin d’en améliorer la convivialité, modifications qui seront prises en compte dans la nouvelle version en développement. Les experts ont également produit un certain nombre de « pratiques prometteuses » qui seront incluses dans la base de données qui sera une réelle source d’inspiration. En effet, la dernière étape sur laquelle nous nous concentrerons tout au long de 2019 est le développement de cette base de données qui permettra d’identifier un grand nombre de pratiques prometteuses non seulement à partir des projets actuels et précédents du CELV, mais aussi en mettant en évidence un certain nombre d’initiatives locales ou de projets nationaux et internationaux.
Références
Beacco, J.-C., Fleming, M., Goullier, F., Thürmann, E., & Vollmer, H. (2016). Les dimensions linguistiques de toutes les matières scolaires : guide pour l’élaboration des curriculums et pour la formation des enseignants. Strasbourg : Conseil de l’Europe. http://rm.coe.int/guide-pour-l-elaboration-des-curriculums-et-pour-la-formation-des-ense/16806ae61c
Conseil de l’Europe (2014). Recommandation CM/Rec(2014)5 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l’importance des compétences linguistiques pour l’équité et la qualité de l’éducation et la réussite scolaire (adoptée par le Comité des Ministres le 2 avril 2014 à la 1196e réunion des Délégués des Ministres). https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectID=0900000016805c6105
Fleming, M. (2009). Langues de scolarisation et droit à une éducation plurilingue et interculturelle. Rapport de la conférence internationale. Strasbourg : Conseil de l'Europe. https://rm.coe.int/rapport-de-la-conference-intergouvernementale-langues-de-scolarisation/16805a234f
Himmele, P., & Himmele, W. (2009). The language-rich classroom: A research-based framework for teaching English language learners. ASCD.
Vollmer, H. J. (2006). Langues d'enseignement des disciplines scolaires. Etude préliminaire. Langues de scolarisation. Strasbourg : Conseil de l'Europe. http://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805c7466